Lorsque La Mouette est créée à Moscou en 1896, l’actrice qui joue Nina – considérée comme la plus grande comédienne russe du moment – est tellement impressionnée par l’hostilité du public qu’elle en perd la voix. Cette pièce est aujourd’hui l’une des plus connues et les plus jouées de Tchekhov. C’est Thomas Ostermeier, metteur en scène allemand des plus marquants de notre temps, qui porte maintenant son regard sur ce chef-d’œuvre. L’auteur disait «il y a dedans 78 kg d’amour», soit son poids à lui ; une façon de dire qu’il y avait mis toute sa personne et toute son affection, mais aussi son trouble. Car l’amour n’y est jamais considéré comme un acquis : l’instituteur aime Macha qui aime Treplev qui aime Nina qui aime Trigorine, lequel n’aime personne mais est aimé à la fois par Nina et par Arkadina… Une ronde de ratages et de questionnements autour des possibilités de l’amour. Ce sont ces problématiques-là que veut explorer le directeur de la Schaubühne de Berlin accompagné par une troupe d’acteurs français. Dans cette «comédie» comme la décrivait Tchekhov, il n’y a que peu d’action et beaucoup d’amour, «tout est mélangé, le profond et l’insignifiant, le sublime et le ridicule». C’est probablement cela qui a dérouté le public de l’époque et qui nous touche tant aujourd’hui.